« Look Up » c’est le titre d’une vidéo très critique vis-à-vis des réseaux sociaux et qui fait le buzz depuis sa mise en ligne sur YouTube le 25 avril 2014 (déjà près de 40 millions de vues !). Son auteur, Gary Turk, s’interroge sur les conséquences des réseaux sociaux et de la surconsommation d’internet par les jeunes générations. Sous une forme proche du slam, ce jeune britannique pointe du doigt les dérives de nos sociétés hyperconnectées qui tendent selon lui, petit à petit, à nous couper du réel et qui risquent, à terme, de nous empêcher de savoir apprécier la vraie vie. Sur le plan artistique et esthétique, la forme de cette vidéo est très discutable mais on peut considérer qu’elle l’est également sur le fond car le message qu’elle tente de faire passer ne se fonde sur rien de concret. En effet, aucune étude sociologique sérieuse n’a, à ce jour, établi le lien entre l’usage des réseaux sociaux et une quelconque déconnexion avec la réalité pour leurs utilisateurs, pas plus qu’ils ne semblent conduire vers une forme d’isolement social. Je vous laisse regarder la vidéo (en VO sous-titrée) si vous ne l’avez pas encore vue et je développe sur le sujet à la suite si ça vous intéresse.
En français, « Look Up » se traduirait pas « Lève les yeux » : en choisissant ce titre, Gary Turk nous signifie très clairement qu’il s’agit d’un appel adressé directement aux hyperconnectés et, notamment, aux jeunes générations. Il les invite à quitter leur écran des yeux, qu’il s’agisse d’un smartphone ou d’un ordinateur, afin de se confronter aux réalités de la vie, d’aller à la rencontre des autres IRL. L’auteur de la vidéo commence par enfoncer quelques portes ouvertes du genre « j’ai plein d’amis sur FaceBook, je leur parle tous les jours mais pourtant je suis seul, aucun d’entre eux ne me connaît vraiment ». Le jeune homme poursuit en critiquant ouvertement la fonction sociale présumée des réseaux sociaux et tente ainsi de mettre en évidence un paradoxe : « Quand nous ouvrons nos ordinateurs, ce sont nos portes que nous fermons ». Bien qu’il soit clairement dans le registre de la provocation et dans l’exagération, la réflexion de Gary Turk est loin d’être complètement idiote, pas même si naïve finalement.
Une critique exagérée
Il va, en revanche, un peu loin lorsqu’il étend son propos à la technologie dans sa globalité en la qualifiant d’illusion et c’est un peu dommage car je pense que ça dessert son objectif premier, ça affaiblit son idée directrice. Lorsqu’il dit que nous vivons dans un monde où « nous sommes esclaves de la technologie que nous maîtrisons », notamment, il déborde largement du cadre des réseaux sociaux et tombe dans une forme de technophobie primaire qui tend à le décrédibiliser. On retrouve éparpillées, ça et là, des bribes de sa réflexion initiale mais elles se retrouvent noyées dans ce discours général très hostile aux technologies de l’information.
Des conséquences néfastes pour les enfants ?
L’auteur de « Look Up » est vraiment dans la démesure et tombe presque dans le ridicule lorsqu’il évoque la manière dont joue les enfants : « Il est peu probable que vous soyez le meilleur papa du monde si vous n’êtes pas capable de distraire un enfant sans l’aide d’un iPad ». D’abord, Gary Turk est, visiblement, à peine sorti de l’adolescence ce qui n’en fait pas la personne la plus légitime pour parler de l’éducation des enfants. Ensuite, de nombreuses études ont démontré que l’usage de jeux éducatifs en ligne (un exemple parmi tant d’autres qui propose des jeux de camion : jeux2camion.eu) ou sur un support numérique contribuent de manière positive à l’éveil d’un enfant, à condition bien sûr qu’ils y jouent avec modération. Ils sous-estime fortement ces enfants qu’ils décrit comme incapables de faire la part des choses parce qu’ils ont grandi en nous voyant « vivre comme des robots ».

Au contraire, on observe plutôt la tendance inverse, les enfants d’aujourd’hui ont tendance à être plus éveillé, plus réactifs face au monde qui les entoure et les technologies de l’information tendent à les rendre plus curieux, à les pousser à s’informer de plus en plus jeunes.
Un frein aux rencontres ?
Dans la suite de « Look Up », Gary Turk se focalise sur les rencontres IRL et, en particulier, sur la rencontre amoureuse à travers deux petites séquences mises en scène. Dans la première, on voit un jeune homme, dans la rue, demander son chemin à une jeune femme qui passe devant lui et qui l’invite à la suivre. Il nous montre ensuite la naissance d’une relation amoureuse entre ces deux jeunes puis son évolution en accéléré : mariage, achat d’une maison, naissance d’un enfant etc. L’auteur de la vidéo insiste de manière un peu lourde sur ces moments de bonheur partagé qui ont découlé d’une simple rencontre dans la rue. Dans la deuxième petite séquence, le même jeune homme cherche toujours son chemin mais, cette fois-ci, il se fie au GPS intégré à son Smartphone et, les yeux rivés sur son écran, il ne voit même pas passer la jeune femme et passe ainsi, selon l’auteur, à côté de cette belle histoire d’amour.

Mais ce que Gary Turk oublie ici, c’est que les réseaux sociaux et, plus généralement, les sites de rencontres en ligne ont, au contraire, contribué à faire naître de belles histoires d’amour, aussi vraies et aussi sincères que si leur point de départ avait été une rencontre dans la rue, dans un bar ou chez des amis. Il ne faut pas oublier que ces nouveaux modes de communication permettent à un grand nombre de personnes, notamment les plus timides et les plus introvertie, de rencontrer d’autres gens avec lesquels, certes, ils commencent par échanger sur le net mais qu’ils rencontrent IRL par la suite si le courant passe entre eux et qu’une certaine confiance s’est installée. Bien sûr, on ne peut nier qu’il existe un certain nombre de dérives, d’arnaques mais il suffit de respecter quelques règles de bon sens pour les éviter et on peut toujours se fier à un certain nombre de services en ligne sérieux qui proposent des tests objectifs et détaillés des principaux sites de rencontre (comme, par exemple : rencontresinternet.net). Enfin, les réseaux sociaux permettent également de rester en contact avec des proches, famille ou amis, dont on se trouve éloignés géographiquement et que l’on ne peut pas voir aussi souvent qu’on le souhaiterait. C’est un moyen rapide et pratique pour se donner des nouvelles, s’échanger des photos etc. Il existe donc au moins autant, sinon plus, d’aspects positifs que d’aspects négatifs quant au rôle que joue désormais la technologie dans nos amours.
Intérêt personnel, image de soi, auto-promotion
Ce que je trouve intéressant dans « Look Up », en triant un peu, c’est cette critique d’une dérive vers une recherche de plus en plus systématique de son intérêt personnel, une valorisation à outrance de l’image de soi et une auto-promotion permanente et omniprésente : « Un monde de l’intérêt personnel, de l’image de soi, de l’auto-promotion ». Il est regrettable, de ce point de vue, que cette notion ne soit pas plus développée à travers la vidéo et que Gary Turk n’ait pas cherché à creuser un peu plus dans cette direction.

L’un des exemples les plus flagrants de cette dérive est le phénomène, très à la mode, des selphies que les jeunes publient sur leurs pages personnelles, sur leurs profils. Ces clichés instantanés de soi-même que l’on prend à l’aide de son smartphone n’ont absolument rien de spontané et sont, au contraire, extrêmement préparés, maîtrisés afin de donner l’image de soi la plus valorisante possible. Ainsi, il existe même un certain nombre de règles régissant la capture parfaite de sa propre représentation : faire une « bouche en cœur » (c’est ce qui a popularisé le fameux « duck face »), se mettre en scène (maquillage, coiffure, accessoires etc.), bien choisir son arrière-plan, montrer son bon profil, prendre la photo avec un léger effet de plongée etc.
Comment expliquer le buzz autour de cette vidéo ?
On peut évidemment s’étonner du fait qu’une vidéo comme « Look Up », qui critique sans détours les services web que chérissent les jeunes générations, fasse le buzz sur la toile et ait un tel succès auprès de cette cible. En effet, paradoxalement, alors que Gary Turk s’attaque frontalement aux réseaux sociaux, c’est auprès de leurs plus fervents défenseurs qu’il parvient à faire mouche. Parmi les raisons pouvant expliqué ce buzz spectaculaire (plus de 38 millions de vues à ce jour et plus de 310 000 « j’aime » contre moins de 9 000 « je n’aime pas »), il y a certainement une forme de prise de conscience collective de la part des jeunes qui, en s’appropriant en quelques sortes cette vidéo, souhaitent montrer que, contrairement à l’image qu’on leur colle, ils ne sont pas des moutons et sont capables de s’auto-critiquer, de prendre du recul.
Un buzz calculé ?
On peut aussi s’étonner du fait qu’une vidéo destinée à mettre en garde la jeunesse vis-à-vis de la surconsommation d’internet et, notamment, des médias sociaux, utilise justement ce canal pour se faire connaître. De là à penser qu’il s’agit, de la part de l’auteur de « Look Up », d’un buzz calculé, il n’y a qu’un pas que l’on franchit très facilement. Mais finalement, le plus dommage, c’est que c’est précisément aux entreprises auxquelles, indirectement, s’adresse sa critique (FaceBook, Twitter, Tumblr, Instagram etc.) que tout ce buzz profite le plus…
Le vrai danger des réseaux sociaux
Je ne pense pas que le fait de passer beaucoup de temps à surfer sur internet soit réellement quelque chose de néfaste (à condition toutefois que ça ne devienne pas maladif car dans ce cas ça peut être assimilé à une addiction / dépendance). En revanche, je crois que le vrai danger des réseaux sociaux se situe au niveau de l’information qu’ils emmagasinent via, notamment, tout ce que nous leur donnons quotidiennement « à manger » en y publiant des petites bribes de notre vie personnelle et parfois même très intime. Or en nourrissant ainsi, volontairement, les bases de données de ces gloutons du web, non seulement on s’expose mais en plus on leur donne, en quelques sortes, la clé de notre vie privée.
Pour conclure là-dessus, je vous laisse regarder la vidéo ci-dessous qui, à mon sens, est bien plus flippante que « Look Up » 😉 !
Sources :
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